GLOIRE DE PANAIS EN TROIS LUNAISONS

 

Petite, je détestais la soupe.

Pour mon malheur, elle est revenait chaque soir à table et ce, 342 jours par an.

Il n’y avait guère que les jours caniculaires pour dissuader mes parents et grands-parents de l’imposer.

Le potage, comme on le désignait, n’avait rien d’un retour de potager avec un panier plein de beaux légumes.

C’était plutôt une figure d’expression des reliquats du réfrigérateur.

Tout ce qui était flétri, oublié, gâté ou peu digne des honneurs d’une garniture, allez hop, à la casserole !

Sans guère plus de complaisance pour l’épluchage et la découpe.

Le concept d’une cuisson homogène relevait d’une abstraction réservée aux pinailleurs.

On couvrait d’eau au pifomètre, un peu de gros sel et puis cuisson à plein gaz pour gagner du temps.

On mixait à la va-vite et tant pis si elle était trop épaisse ou trop liquide.

À table ! La soupe est servie…

Et mon cauchemar aussi.

Essayer de contenir mes haut-le-cœur avec l’odeur âcre des choux de Bruxelles surcuits jetés par hasard au milieu des carottes qui faisaient de la résistance.

Essayer de ne pas s’étouffer avec les haricots verts pleins de fil que personne n’avait réussi à manger, ajoutés au dernier moment, « ben, fallait bien les finir… »

Essayer d’avaler au plus vite, tant qu’il était chaud, le gloubi-boulga de poireaux qui ne connaitraient jamais la caresse du chinois, le refroidissement augmentant dangereusement le risque de rendre tripes et boyaux.

Et je n’évoquerais pas celles qui défiaient les limites de la créativité gastronomique pour répondre au « Rien ne se perd » !

Je détestais la soupe jusqu’au jour où… j’ai été invitée un restaurant étrange où l’on servait des soupes aux noms tout aussi étranges que « Dame d’ombre de faiseur d’eau ».

Quoi ? On pouvait avec des épinards concevoir une merveille pareille ?

Depuis, j’ai appris le vocabulaire et la sémantique des légumes.

Le potage s’est décliné en velouté, consommé, bisque, bouillon, crémeux et autres minestrones.

J’ai découvert qu’il s’accorde en genre, mais aussi en nombre. Que le topinambour pouvait être monacal, juste touché par la grâce d’un bouillon de poule. Que le céleri courtisait aimablement la courge. Que les petits pois avaient une affinité académique avec ses consorts en habit vert, courgette, asperge et ciboule.

Je me suis initiée à l’art de la touche finale qui amende de façon divine la plus simple des soupes. Graines torréfiées, herbes fraîches, copeaux de fromage, écume ou gremolata. Jusqu’au coup de génie avec un soupçon de paprika fumé ou un filet d’huile à la truffe.

La soupe est devenue hautement désirable et a grandement civilisé mes manières à table.

Voilà pourquoi aujourd’hui, je m’amuse à intituler, non sans malice, ma petite dernière :

Gloire de panais en trois lunaisons !

Elle vous tente ?

 

 

 

LA RECETTE

Soupe de panais en trois déclinaisons

Une soupe de base et trois propositions pour ne jamais se lasser.

 

Pour 4 personnes

Préparation : 15 minutes

Cuisson : 20 minutes

 

Pour la soupe de base:

1 kg de panais

2 c. à s. de crème fluide

2 c. à s. d’huile d’olive

Sel, poivre du moulin

 

Préparation

Épluchez les panais. Détaillez-les en fines rondelles. Versez-les dans une casserole. Couvrez d’eau à hauteur. Salez. Portez à ébullition. Faites cuire environ 20 minutes.

Prélevez l’eau de cuisson. Réservez-la.

Mixez les panais avec la crème, l’huile d’olive en ajoutant, au fur et à mesure, un peu d’eau de cuisson jusqu’à obtenir la texture souhaitée.

Donner un tour de poivre du moulin. C’est prêt !

 

Première déclinaison

Pour donner de la personnalité à une simple soupe, parsemez de la votre ! Vous aimez les noix de cajou, le parmesan ou la coriandre ? Ajoutez au moment de servir de ce qui vous fait plaisir.

Ma touche finale pour ce velouté de panais : de la chapelure de pain des Vikings, des noisettes concassées et une échalote ciselée poêlés 2 minutes, à feu vif, avec un peu de beurre ½ sel. À parsemer dans les bols avec quelques grains de fleur de sel et un petit filet d’huile de noisette.

 

Deuxième déclinaison

Suivre la recette de base en remplaçant au moment de mixer, la crème et l’eau de cuisson par du lait de coco.

Ajoutez au dernier moment, un jus de citron vert, une pincée de curry et de paprika. Parsemez de zeste de citron vert, d’un petit oignon rouge et de coriandre ciselés.

 

Troisième déclinaison

Avant de suivre la recette de base, décortiquez 12 gambas cuites. Réservez les corps. Jetez les carcasses dans une casserole. Couvrez d’eau à hauteur. Ajoutez, selon les richesses de votre placard et réfrigérateur : oignon, ail, vert de poireau, branche de céleri, feuille de laurier, concentré de tomate, épices…

Faites cuire à feu moyen, à couvert pendant 45 minutes environ jusqu’à réduction d’un tiers. Passez le fumet obtenu au chinois en écrasant bien les carcasses sur les parois pour récupérer le maximum de saveurs.

Portez à frémissement le fumet avec 2 belles cuillerées à soupe de crème fraîche. Ajoutez les corps des gambas pour les réchauffer pendant 1 minute.

Mixez la soupe de panais en ajoutant très peu d’eau de cuisson. Elle doit être assez épaisse. Servez dans les bols. Ajoutez le fumet et les gambas. Plongez votre cuillère dans ce bonheur en deux textures…

 

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Ficelles de cuisine :

Gardez précieusement l’eau de cuisson des panais que vous avez prélevée. Elle regorge de sels minéraux. J’adore en boire un petit bol pendant que je finalise ma soupe. Sinon, je l’ajoute dans une blanquette de veau, un houmous de pois chiche, pour cuire des pates, du quinoa ou du riz. Rien ne se perd !

 

Powerfood :

Une soupe bien chaude permet d’entretenir le feu digestif lors de la saison froide. Ajoutez des épices, du gingembre pour potentialiser les bienfaits. Contentez-vous d’un bol au dîner pour faire une petite pause détox, une ou deux fois par semaine. Idéal pour relancer l’énergie dont nous avons tant besoin en hiver.

 

Le switch :

Vous n’aimez pas les panais ? Remplacez-les par des courges selon la saison : butternut, pâtisson, potimarron, courgettes…

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Commentaires

  1. Superbe texte Domitille, c’est du vécu, c’est certain… savoureux et drôle …merci aussi pour les trois déclinaisons qui s’adressent délicatement à tous les budgets … j’apprécie les recettes qui prennent en compte les tracas financiers tout en ne cédant pas à la tristesse culinaire …

    des bises et joyeuses créations …
    Isabelle

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